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    Anna de Noailles  (1876-1933)

    Le verger

    Dans le jardin, sucré d'oeillets et d'aromates,
    Lorsque l'aube a mouillé le serpolet touffu,
    Et que les lourds frelons, suspendus aux tomates,
    Chancellent, de rosée et de sève pourvus,

    Je viendrai, sous l'azur et la brume flottante,
    Ivre du temps vivace et du jour retrouvé,
    Mon coeur se dressera comme le coq qui chante
    Insatiablement vers le soleil levé.

    L'air chaud sera laiteux sur toute la verdure,
    Sur l'effort généreux et prudent des semis,
    Sur la salade vive et le buis des bordures,
    Sur la cosse qui gonfle et qui s'ouvre à demi ;

    La terre labourée où mûrissent les graines
    Ondulera, joyeuse et douce, à petits flots,
    Heureuse de sentir dans sa chair souterraine
    Le destin de la vigne et du froment enclos.

    Des brugnons roussiront sur leurs feuilles, collées
    Au mur où le soleil s'écrase chaudement ;
    La lumière emplira les étroites allées
    Sur qui l'ombre des fleurs est comme un vêtement.

    Un goût d'éclosion et de choses juteuses
    Montera de la courge humide et du melon,
    Midi fera flamber l'herbe silencieuse,
    Le jour sera tranquille, inépuisable et long.

    Et la maison, avec sa toiture d'ardoises,
    Laissant sa porte sombre et ses volets ouverts,
    Respirera l'odeur des coings et des framboises
    Éparse lourdement autour des buissons verts ;

    Mon coeur, indifférent et doux, aura la pente
    Du feuillage flexible et plat des haricots
    Sur qui l'eau de la nuit se dépose et serpente
    Et coule sans troubler son rêve et son repos.

    Je serai libre enfin de crainte et d'amertume,
    Lasse comme un jardin sur lequel il a plu,
    Calme comme l'étang qui luit dans l'aube et fume,
    Je ne souffrirai plus, je ne penserai plus,

    Je ne saurai plus rien des choses de ce monde,
    Des peines de ma vie et de ma nation,
    J'écouterai chanter dans mon âme profonde
    L'harmonieuse paix des germinations.

    Je n'aurai pas d'orgueil, et je serai pareille,
    Dans ma candeur nouvelle et ma simplicité,
    A mon frère le pampre et ma soeur la groseille
    Qui sont la jouissance aimable de l'été,

    Je serai si sensible et si jointe à la terre
    Que je pourrai penser avoir connu la mort,
    Et me mêler, vivante, au reposant mystère
    Qui nourrit et fleurit les plantes par les corps.

    Et ce sera très bon et très juste de croire
    Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils,
    Et que mon coeur, ardent et lourd, est cette poire
    Qui mûrit doucement sa pelure au soleil...


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  • Magie de la nature

    Béant, je regardais du seuil d'une chaumière
    De grands sites muets, mobiles et changeants,
    Qui, sous de frais glacis d'ambre, d'or et d'argent,
    Vivaient un infini d'espace et de lumière.

    C'étaient des fleuves blancs, des montagnes mystiques.
    Des rocs pâmés de gloire et de solennité,
    Des chaos engendrant de leur obscurité
    Des éblouissements de forêts élastiques.

    Je contemplais, noyé d'extase, oubliant tout,
    Lorsqu'ainsi qu'une rose énorme, tout à coup,
    La Lune, y surgissant, fleurit ces paysages.

    Un tel charme à ce point m'avait donc captivé
    Que j'avais bu des yeux, comme un aspect rêvé,
    La simple vision du ciel et des nuages !

     

    Maurice ROLLINAT   (1846-1903)


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  • Le 31 août 2010, LAURENT FIGNON nous quittait pour toujours.

    Très présent dans nos pensées, son empreinte marque

    encore nos esprits. Nous ne vous oublions pas Monsieur FIGNON.

     


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